Il serait nécessaire d’arrêter de pointer du doigt les internautes en les désignant comme seuls responsables de la crise supposée que connaîtrait actuellement l’industrie musicale. Cette industrie n’est pas en crise. Selon la Broadcast Music Inc (BMI), l’équivalent de notre Sacem, en dix ans, le chiffre d’affaires collecté au bénéfice de ses 375 000 adhérents a presque doublé. L’année 2008 se révèle être une année record en termes de revenus puisque 900 millions de dollars ont été collectés, soit une hausse de 7,2% par rapport à 2007. La MCPS-PRS Alliance, (la Sacem britannique) a quant à elle vu ses collectes progresser entre 1997 et 2007, de 392 à 562 millions de livres sterling. Idem pour la Sacem qui a vu ses revenus passer de 541 millions d’euros en 1998 à 759 millions en 2007. La cause : les nouveaux médias numériques (Internet, web radios, télévision par câble, par satellite…) qui multiplient les sources de revenus et qui compensent ainsi la baisse des ventes de disques. (source)

Si nous devons parler de crise, nous devrions alors pointer du doigt le modèle économique des maisons de disques qui se sont trop longtemps reposées sur le verrou technologique qu’elles avaient mis en place avec le CD et qui ont contraint les consommateurs à acheter des albums, aujourd’hui inadaptés à leurs attentes.

Lors de la sortie d’un album, les maisons de disques cherchent essentiellement à focaliser en un minimum de temps, un maximum d’attention de la part des médias donc des consommateurs sur leurs artistes. Une forme de publicité en quelque sorte. Les singles extraits de l’album assurent ensuite la promotion par le biais de leur diffusion sur les radios ou encore à la télévision (clips). Les radios ainsi que les chaînes musicales qui avaient été perçues lors de leur apparition comme une menace pour l’industrie musicale, sont ainsi intégrées comme élément de promotion (non-vivant) au modèle économique.

Avec Internet, ce modèle connaît des évolutions notables. Ces évolutions, qui sont exprimées par les majors en des termes de crises, donnent plus de pouvoir aux consommateurs (qui en contrepartie sont attaqués en justice) et cassent les verrous technologiques qui permettaient aux maisons de disques de contrôler de manière oligopolistique les canaux de distribution « conventionnels« . Si le CD est victime de la dématérialisation (pourquoi conserver des centaines de boîtiers alors que des milliers de titres peuvent être stockés sur des lecteurs MP3 pas plus gros qu’un paquet de cigarettes), l’album est victime de son concept même. Il présente en effet deux inconvénients majeurs pour le consommateur : inconvénient lié au goût musical et inconvénient financier. L’album oblige en effet le consommateur à acheter à la limite de la vente liée entre 10 et 15 titres alors que ce dernier n’en apprécie que 2 ou 3 et pour un prix qui le limite dans sa découverte de nouveaux artistes.

Internet permet d’accroître la diversité musicale grâce aux titres musicaux auto-produits (et donc hors circuit conventionnel) ou non diffusés sur la toile (exemple de Myspace). Le web permet ainsi de prendre en compte l’effet de longue traîne (la totalité de ce qui se vend rarement vend autant que ce qui se vend le plus) et permet en conséquence de répondre aux multiples goûts musicaux qu’il n’était économiquement pas possible de satisfaire lors de l’ère du disque vinyl et/ou du CD. En atteignant ainsi des individus qui ne cherchaient pas à consommer de la musique parce qu’ils ne s’y retrouvaient pas, Internet augmente le volume du public ciblé, donc potentiellement du chiffre d’affaires de l’industrie musicale.

Les internautes qui communiquent désormais entre eux via des forums et réseaux sociaux, peuvent assurer la promotion d’artistes même en dehors de périodes promotionnelles. La recherche de visibilité autrefois recherchée lors de la sortie d’un album peut être aujourd’hui étalée dans le temps à moindre frais grâce au 2 ou 3% de fans qui souhaitent voir leur artiste préféré connaître le succès. Les dépenses promotionnelles court terme liées à la sortie d’un album devraient être transférées dans des budgets long terme et créateurs de « capital conversationnel » afin que les internautes soient tenus informés plus facilement de l’actualité de l’artiste. Internet deviendrait ainsi un élément promotionnel vivant car conversationnel. Les performances scéniques conserveraient leur rôle d’événement et généreraient ainsi l’intérêt pour les médias traditionnels tels que la presse écrite ou encore la télévision.

Ainsi, les internautes seraient plus proches des artistes (grâce aux concerts et aux conversations tenues sur Internet), pourraient consommer sans contraintes particulières (financières et liées à leur goût musical), pourraient ainsi découvrir d’avantages d’artistes (l’achat d’un seul album pourrait être transféré vers l’achat de 10 à 15 singles d’artistes différents) qui proposeraient d’avantages de styles musicaux permettant finalement à d’avantages de personnes de consommer de la musique.

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