Pour faire un peu d’histoire, l’industrie des jeux vidéo est née dans les années 1960 de la curiosité de quelques particuliers, étudiants, militaires américains bidouilleurs ou bricoleurs nommés « Hackers »  (terme qui a malencontreusement été traduit en France par « Pirates »).

Même le prestigieux MIT encourageait ses étudiants à bidouiller les programmes pour en tirer le maximum et à les transformer en applications ludiques. C’est ainsi qu’en 1962 le premier véritable jeu vidéo Space War de Steve Russel est apparu. Un peu plus tard, après avoir développé le jeu Computer Space, (un clone de SpaceWar), le hacker Nolan Bushnell fonda Atari. Après l’éclatement en1983 de la bulle liée à l’industrie des jeux vidéo, Nintendo coupa net cette forme de recherche et développement en intentant des procès à l’encontre de sociétés et/ou de particuliers « bidouilleurs » et en imposant une console multi-jeux, la NES, qui ne pouvait lire que des jeux commercialisés par Nintendo. Suivirent, Sega (Mega Drive), Sony (PlayStation) puis Microsoft (Xbox) qui ont tous plus ou moins basé leur modèle économique sur le contrôle interne du développement de jeux et sur la pratique du rasoir et des lames (vente du produit principal , la console, à prix coûtant et vente de produits satellites, les jeux sur cartouches, CD, DVD, en grand nombre afin de viser l’équilibre). Afin de se démarquer, ces sociétés devaient commercialiser des produits technologiquement de plus en plus évolués mais de moins en moins chers.

Avec l’arrivée de l’Internet, les jeux en ligne sont apparus et ont dès le début invité les internautes à venir fouiller dans les codes sources pour les modifier et ainsi créer des nouveaux niveaux afin de faire évoluer le jeu (exemple de Doom). Les particuliers autrefois estampillés hackers sont ainsi devenus des « Modders » (de Modifications) ou co-créateurs. L’attrait de cette pratique comme l’explique Andrew Goldman, PDG de Pandemic Studios est qu’ « après avoir passé deux ans sur un projet, vous n’êtes plus capables de savoir comment les nouveaux utilisateurs vont réagir. La seule façon de maintenir une perspective appropriée est d’apprendre à regarder à travers les yeux de vos premiers utilisateurs« . Ken Wlasch, président de Software Publishers indique également que « l’industrie des programmes informatiques est la seule qui permet à chacun de ses utilisateurs de devenir partie prenante de sa stratégie marketing ».

En intégrant les internautes (autrefois hackers, pirates) à l’étape de R&D et post-commercialisation, en mettant en ligne des services et/ou produits non finalisés et en open source, les sociétés mettent en pratique le principe de crowdsourcing qui consiste à faire appel à un grand nombre d’internautes, à leur intelligence, à leur créativité et à leur savoir-faire. Ce concept permet ainsi d’accroitre l’identité de la marque, d’augmenter la durée de vie du produit, de fidéliser les consommateurs, de recruter les meilleurs éléments, de faire émerger des services plus adaptés car plus pointus et de réduire les coûts de R&D.

Google en dévoilant Chrome l’a parfaitement démontré : le produit n’est pas finalisé (Google l’a clairement annoncé) et fait appel aux très nombreux développeurs particuliers afin de faire évoluer en continu le navigateur. Apple en mettant en ligne l’App Store est un autre exemple. La firme à la pomme permet aux millions de développeurs connectés de vendre leur application pour iPhone et ainsi alimenter l’éco-système et le laboratoire de recherche de la marque à moindre frais et toujours avec succès (les échecs ne coûtant rien à Apple). Sony en mettant en ligne prochainement le service « Playstation Home » (un monde virtuel en 3D inspiré de Second Life) à destination des possesseurs de la PlayStation 3 intégrera l’User Generated Content en permettant aux utilisateurs de pouvoir créer leur propre contenu (caractéristiques de leur HomeSpace et autres créations) et de les vendre directement à d’autres joueurs.

Une fois les premières » briques » posées, les sociétés peuvent ensuite proposer un service ouvert aux internautes, toujours adapté, mis à jour, plus sûr et plus convivial : son évolution dépend non plus de la société mais directement de ses utilisateurs.

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