Alors que nous nous vivons une époque où l’information et les connaissances peuvent être stockées numériquement à des coûts de plus en plus faibles et transférées instantanément aux quatre coins du monde, il est cependant intéressant de se demander si ces gigantesques quantités de données que l’Homme accumule actuellement pourront être consultées, décryptées et comprises par les générations futures ?

Si Google et Vinton Cerf déclarent chercher à rendre compatible et compréhensible dans le temps les documents sous toutes leurs formes, des prémices liés aux dangers de l’ère numérique commencent à faire leur apparition. Ainsi, si nous craignons (niveau personnel) que notre disque dur plante et fasse ainsi disparaître en une seconde des giga d’informations (photos, vidéos, textes…), la fermeture récente par Google de certains de ses services démontre que les logiciels, services ou système d’exploitation ne sont pas éternels et que la disparition par exemple de réseaux sociaux Internet (cas de Lively) peuvent ralentir voire faire disparaître des liens tissés sur la toile (niveau collectif). Autre exemple, celui de la pérennité des URLs courtes (telles que celles proposées par Twitter, Tiny URL…). Comme le précise Pascal Venier, “il semblerait que si un des sites d’url courtes venait à disparaître, tous les liens créés par son intermédiaire seraient bel et bien perdus”… Nous nous rendons ainsi tributaires de cette ère numérique et il est ainsi nécessaire d’adopter une vision à long terme (transferabilité des données dans le temps) et non plus majoritairement à court terme voire très court terme (transferabilité instantanée).

Lynne Brindley, directrice de la British Library s’est ainsi inquiétée dans un article paru dans le Guardian de cet “personnal digital disorder” ou plus précisément de fait que par exemple, les photos que nous stockons numériquement sur nos ordinateurs ne puissent pas être vues par nos futurs petits-enfants. La directrice donne ainsi l’exemple du site de la Maison Blanche. En effet, les informations disponibles relatives à l’administration Bush ont totalement disparues suite à la refonte du site effectuée après l’inauguration de Barack Obama le 20 janvier dernier. Second exemple, celui des Jeux Olympiques de Sydney en 2000. Avec 150 sites Internet crées, ces jeux ont véritablement été les premiers à être suivis sur le web. Cependant, la grande majorité de ces sites ont ensuite disparus, seule la Bibliothèque nationale d’Australie en a conservé certaines données. “Il existe en Grande Bretagne environ 8 millions de noms de domaines en .uk et ce nombre croit environ de 15 à 20% par an. La valeur que représente ces sites pour la recherche et l’innovation est très importante mais les contenus en ligne demeurent éphémères. Si les sites Internet disparaissent dans les mêmes conditions que ceux de la Maison Blanche (période Bush) ou des Jeux Olympiques de Sydney, ceci pourrait avoir pour conséquence la disparition de la mémoire d’une nation (dimension collective). Les historiens et citoyens futurs pourraient ainsi être confrontés à un trou noir dans la connaissance accumulée lors du 21ème siècle.”

Ainsi, deux problèmes majeurs peuvent survenir. Le premier concerne le stockage des données. Le second concerne la comptabilité entre contenant (lecteur : systèmes d’exploitations, logiciels…) et contenu (données) et donc de la lisibilité de l’information et de la connaissance dans le futur. Si le premier problème a en partie était résolu grâce aux réseaux P2P (le principe de l’Internet et de son ancêtre l’Arpanet découle de la logique de la décentralisation des données), le second problème peut à mon sens être résolu grâce à l’open-source. En effet, en divulguant publiquement les codes des logiciels et/ou des systèmes d’exploitation, les entreprises privées qui ne sont elles non plus pas éternelles, en plus d’y trouver un avantage compétitif et une meilleure connaissance de leurs utilisateurs permettent de faire évoluer dans le temps leurs produits/services, assurant ainsi leur pérennité. C’est comme si les égyptiens ou les Incas avaient permis à une civilisation neutre et plus importante en termes de population (ce qui minimise les risques de disparition) de transférer les connaissances accumulées sous une forme évolutive et non plus figée. Le court terme (avantage compétitif) peut ainsi cohabiter avec le long terme (évolution de l’encryptage des données).

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