A l’annonce hier de la création de l’alliance DECE (Digital Entertainment Content Ecosystem) réunissant d’un côté les industriels de l’informatique (Microsoft, Hewlett-Packard, Cisco, Philips, Intel…) et de l’autre, les producteurs de contenus (Warner, Fox, NBC, Sony, Paramount…) afin de mieux faire accepter les DRM auprès des internautes et dans le même temps combattre le piratage, nous pouvons nous demander si le combat du contrôle de la diffusion à l’ère de l’Internet ne serait-il pas voué à l’échec ?

En effet, les sociétés réunies dans ce consortium ne seraient-elles pas en train de faire fausse route en luttant pour le modèle du contrôle de la diffusion alors que l’Internet prône la liberté de diffusion et de partage ? Ce qui se déroule actuellement ressemble fortement à une relation policier / voleur (ou chat et souris pour ne pas comparer l’internaute à un voleur) où le policier marque toujours un temps de retard sur le voleur. L’un des exemples les plus percutant est celui de la loi française relative au Droit d’Auteur et aux Droits Voisins dans la Société de l’information (DADVSI) votée le 1er août 2006 qui vise / visait à protéger les DRM en créant de nouvelles infractions pénales « à l’encontre de ceux qui conçoivent, diffusent ou utilisent des outils de contournement ». Entre temps, divers événements ont quelque peu rendu cette loi obsolète. Steve Jobs a envisagé dans la lettre ouverte « Thoughts on music » l’abolition des DRM parce qu’elles « n’ont jamais marché et ne marcherons certainement jamais, du moins en ce qui concerne l’arrêt pur et simple du piratage » (serait-ce une raison pour qu’Apple et Disney n’aient pas rejoint DECE?). Microsoft et Yahoo ! qui ferment actuellement leurs services de musique en ligne indiquent à leurs utilisateurs comment contourner les DRM et ainsi conserver les titres qu’ils ont achetés.

Il serait à mon sens nécessaire non pas de contrôler mais d’accompagner en affaiblissant l’envie des internautes de consommer illégalement non pas par la méthode forte (surveillance, appel au législateur) mais par une stratégie d’offre, de service et de simplicité.

L’offre : A en croire la dernière étude de l’ALPA (même si ces chiffres peuvent être contestés) 450 000 films sont téléchargés par jour en France sur les réseaux P2P. Le problème ne provient donc pas de la demande mais tout simplement de l’offre. En ne fournissant pas les catalogues complets à des distributeurs Internet, les producteurs de contenus « invitent » les internautes à trouver ailleurs ce qu’ils recherchent. Et les réseaux P2P prennent bien volontairement le rôle du « ailleurs ».

Service : Les internautes (comme tout consommateur qui se respecte) cherchent à gagner du temps et à diminuer les étapes d’acquisition d’un bien (dématérialisé ou non). Google rend service à ses abonnés en gérant les emails, l’emploi du temps, les flux RSS, les itinéraires… Apple rend service en permettant grâce à iTunes et en 2 clics (ouverture d’iTunes – abonnement podcast) / 1 mouvement (brancher son iPod à son ordinateur) de télécharger et d’écouter / regarder des contenus audiovisuels sur son iPod. En offrant un catalogue complet (permettant ainsi la longue traîne), facile à trouver (un site unique) et rapide à télécharger (exemple de comCast), les producteurs ne contenus rendraient service aux internautes en diminuant le temps de recherche et d’acquisition de films.

Simplicité : Outre la simplicité en termes de recherche (offre massive) et d’acquisition (service rendu), il serait nécessaire de simplifier la décision d’achat en réduisant fortement le prix des contenus audiovisuels disponibles sur Internet (pratique du micro-prix). Le stockage, et les opérations d’envoi et de réception seront toujours à en croire la loi de Kurzweil de plus en plus rapides et coûteront de moins en moins cher. Il sera donc à (très) court terme inconcevable de proposer un film dématérialisé au même prix qu’un film sur support DVD tout simplement parce que les internautes dénonceront à raison ce modèle.

Intégrer des DRM à des contenus est synonyme de contrôle. A l’heure d’Internet où une certaine liberté est revendiquée, le contrôle est synonyme de contrainte donc à mon sens d’échec.

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